Le chevalier de l’avenue de l’Océan

Un amour à Laguna

Comment à vingt-cinq ans peut-on ignorer qu’on est gay ? C’est une question que Billy Ballew évite de se poser. Après l’échec de sa scolarité, il apprend à lire par sa propre volonté. Sa vie est conditionnée par son besoin d’aider ses parents en travaillant comme ouvrier du bâtiment, d’envoyer ses sœurs à l’université, d’entraîner son équipe junior de baseball et de ne surtout pas penser à ses trois échecs amoureux. Sa phobie des examens l’empêche de passer des validations pour devenir Entrepreneur en bâtiment comme il le souhaiterait, et la crainte du jugement de sa mère l’empêche de voir ce qui pourrait le rendre réellement heureux.

Puis, aux préparatifs du grand mariage de sa sœur, Billy rencontre Shaz Chase Phillips – une étoile montante du stylisme qui est tout ce qu’il y a de plus gay. Pour Shaz, Billy incarne ce qu’il a toujours recherché : fidèle, honnête, courageux. Mais même si Billy se révèle être gay, sera-t-il capable de sortir avec quelqu’un comme Shaz ? Comment deux hommes que tout sépare réussiront-ils à être ensemble ? Est-ce que le Styliste de l’année et le chevalier de l’avenue de l’Océan peuvent s’aimer ?

Les formats: eBook, Livre de poche

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Publié le 31 mai, 2016
Dreamspinner Press
93,663 mots
288 pages

Les formats
eBook (ISBN 978-1-63477-750-6)
Livre de poche (ISBN 978-1-63477-749-0)

Illustration de couverture: Reese Dante
Traductrice:Adeline Nevo
Traduction de  The Night of Ocean Avenue by Tara Lain

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Extrait

 

DÉPÊCHE-TOI !

Billy jeta un coup d’œil à sa montre, puis regarda par la fenêtre du café où il se trouvait et scruta l’extérieur. Fixer la rue ne ferait pas arriver Annie plus vite, mais cela l’empêchait de penser aux raisons qui avaient motivé la jeune fille à lui donner rendez-vous dans ce café, plutôt que de le laisser la récupérer chez elle.

Il inspira profondément et s’appliqua à expirer lentement. Peut-être qu’il faisait erreur. Peut-être qu’elle était tout simplement dans le coin et qu’elle n’avait pas envie de repasser chez elle. Mais bien sûr !

Il se rassit et se mit à observer la salle du Laguna Grind. Cinq clients travaillaient sur leurs ordinateurs portables tout en buvant leur café latte hors de prix. Tous faisaient partie de la clientèle élitiste du Laguna, sauf l’homme assis dans le coin. Habillé d’une paire de jeans poussiéreuse et d’une chemise de travail, il feuilletait un magazine périmé tout en dégustant son café allongé. Billy savait ce qu’il buvait parce qu’il l’avait entendu passer sa commande auprès de la jolie serveuse, derrière le comptoir. C’était inhabituel qu’un ouvrier soit disposé à payer un prix aussi déraisonnable pour un simple café. Cet endroit n’était certainement pas un lieu de rendez-vous pour les ouvriers. Billy était bien placé pour le savoir. Monsieur café allongé était un gars comme lui, et il était bien placé pour savoir qu’il ne serait jamais entré dans un endroit tel que celui-ci si Annie ne l’avait pas choisi.

Il regarda à nouveau sa montre. Dépêche-toi. Maman détestait qu’on soit en retard aux dîners de famille et comme celui-ci était donné en l’honneur de Rhonda et Mitch, sa mère lui en voudrait doublement. Contrarier doublement sa mère, ça serait vraiment chercher les ennuis.

Le client avec le café allongé leva les yeux vers la serveuse. Bon sang. L’expression de pure convoitise qu’il lut sur son visage fit grimacer Billy. Cela expliquait le café. Ce type en pinçait pour la fille. Désolé, Charlie, cela n’arrivera probablement jamais. Quel effet cela faisait-il de désirer une personne aussi intensément ?

Un souffle d’air frais parvint jusqu’à lui quand la porte s’ouvrit. Les soirées en juin étaient encore fraîches dans le sud de la Californie, ce qui signifiait qu’il se faisait tard. Il leva les yeux et se figea. Que diable ?

Toutes les têtes se tournèrent vers le nouvel arrivant et les regards se figèrent sur ses cheveux d’un rouge flamboyant rappelant un incendie et formant une crinière qui retombait sur ses épaules. Il portait une chemise rose vif, ornée de plusieurs rangées de perles sur le devant. Son pantalon noir était si serré qu’il semblait avoir été peint sur son corps. Mon Dieu.

— Vous venez chercher vous-même votre café ? s’exclama la jolie vendeuse après avoir levé les yeux. Mais où allons-nous ?

— Je les ai tous mis au travail avant de m’éclipser, chérie, répondit le rouquin en agitant une main désinvolte. J’ai besoin d’une injection de caféine par intraveineuse, s’il te plaît.

Cette voix ‒ à la fois haut perchée et emplie d’humour ‒ fit vibrer la colonne vertébrale de Billy. Amusant. Ce type était ridiculement extravagant, mais beau en même temps. Des caractéristiques que l’on pourrait s’attendre à retrouver chez une femme, si ce n’était cette assurance qu’il dégageait. Il n’y avait rien de doux dans ses traits. Des yeux immenses, des lèvres pleines et des pommettes hautes. Il y avait sans doute une touche de maquillage ajoutée à tout ceci, ce qui était quand même bizarre, mais sur cet homme cela prenait tout son sens. Beau.

Billy perçut un mouvement et regarda vers le gars en tenue ouvrière. Le jeune homme ressemblait à un taureau. Un taureau furieux. Il se pencha en avant sur son siège et fixa le rouquin en serrant les poings. L’ouvrier ne trouvait pas cet homme beau. Merde, son expression était pure haine. Billy se raidit. Était-ce personnel ou juste un préjugé ?

Le rouquin bavardait avec les clients et ne semblait pas avoir remarqué le gars. Comment était-ce possible ? De la fumée sortait littéralement de sa grosse tête de bouledogue. Vivre en étant haï à ce point par des gens. Mais si ce rouquin venait se promener sur l’un des chantiers de construction de Billy, il entendrait mille différentes manières de se faire appeler tapette. Billy ne se joindrait peut-être pas à son équipe, mais il ne les ferait probablement pas taire. Les gens comme lui détestaient les homosexuels. C’était ainsi, voilà tout.

La serveuse quitta son comptoir en portant un grand café latte fumant. Elle se dirigea vers la table du rouquin, y déposa la tasse, puis l’embrassa sur la joue.

Oh oh.

Monsieur Tenue Ouvrier se leva. Pas bon ça. Personne ne semblait l’avoir remarqué. Merde.

C’était un homme de grande stature, mais pas autant que Billy. Ce dernier se leva lentement en regardant fixement l’ouvrier. Regarde-moi. Les yeux du gaillard se posèrent sur lui. Billy secoua la tête en signe de dénégation. Ne fais pas ça. Durant un instant, le gars le fixa d’un air absent, puis sembla reconnaître en Billy quelqu’un de semblable à lui. Quelqu’un dans des vêtements de travail chiffonnés. Son regard accrocha celui de Billy et il sembla réfléchir. Puis il secoua la tête, semblant en proie à un combat intérieur, se crispa et avança d’un pas.

Billy avança également.

L’homme rougit jusqu’à la racine des cheveux, émit un petit bruit, puis se rua sur la porte et sortit comme s’il avait été pourchassé par la satanée Gay Pride.

Billy pouvait sentir ses mains trembler. Qu’aurait-il fait si la face de bouledogue avait attaqué le rouquin ? Est-ce que Billy l’aurait frappé ? Arrêté ? Qui voulait-il protéger ? Et merde !

Il regarda autour de lui. Chacun vaquait à ses activités comme si de rien n’était. Puis les yeux de Billy croisèrent le regard soutenu du rouquin. Celui-ci lui fit un léger signe de tête et un petit sourire. Il savait. Il savait ce qui s’était passé. À quoi pensait-il ?

— Billy ?

Celui-ci sursauta avant de se retourner. Annie était enfin là.

– Bon sang, tu m’as surpris, s’exclama-t-il, oubliant complètement pourquoi il était là.

– Pardon, répondit-elle en fronçant les sourcils. Je pensais que tu m’attendais.

– J’étais. C’est juste que… je veux dire. Oui, bien sûr.

Il jeta un coup d’œil vers le rouquin qui fixait maintenant Annie avec un regard dénué d’expression. Concentre-toi Ballow.

– Ne reste pas debout, dit-il en désignant une chaise à côté de lui.

Elle y prit place sur le siège en cuir et Billy fit de même. Essaye d’avoir l’air détendu.

– Je t’ai commandé du thé au lait, dit-il en désignant du menton un deuxième gobelet posé sur la table.

– Merci, répondit Annie en prenant la tasse pour en boire une gorgée.

Une si séduisante jeune fille. Et sympathique en plus de ça.

– Est-ce que tu préfères le prendre à emporter ? demanda Billy après avoir bu son café latte d’une traite. Tu connais maman, elle ne va pas tarder à servir le dîner.

En voyant la jeune femme soupirer, le cœur de Billy manqua plusieurs battements.

– Je ne viendrai pas pour dîner.

– Ah bon ?

Merde, merde, merde.

– Non, Billy, dit-elle en levant vers lui de grands yeux bruns et brillants.

Vraiment mauvais signe.

– Tu sais que je vais dire qu’entre nous ça ne marche pas, n’est-ce pas ?

Le jeune homme contempla sa tasse vide. Le mot vide résonna en lui.

– Je ne l’ai su que quand tu as dit que tu voulais me parler, dit-il en se forçant à sourire. Ce mot n’est jamais bon signe pour les hommes.

– Ça fait un moment que j’y pense. Peut-être même depuis plusieurs semaines, pour être honnête. Je dois passer à autre chose, Billy. Excuse-moi auprès de ta famille, s’il te plaît.

Pas encore une fois.

– Est-ce que je peux savoir ce qui ne va pas entre nous ?

– Tu n’as pas envie de l’entendre, répliqua Annie en haussant les épaules et en faisant tourner sa tasse sur la table basse.

Il aurait pu en rester là, comme il le faisait toujours. Mais bon sang, comment en tirer les leçons dans ce cas ? Il haussa les épaules. La traversée de la vallée de la mort.

– Eh bien, si, figure-toi. Tu veux bien m’expliquer ? Insista-t-il en levant une main. Je ne te demande pas de m’écorcher vif ou une scène de ce genre.

– Tu ressembles à un gros dur, mais tu es une vraie crème, sourit Annie en secouant la tête.

– Et ce n’est pas une bonne chose ? demanda Billy en essayant de sourire.

– Bien sûr que si, mais mon chien aussi est une vraie crème pourtant, je ne fais pas l’amour avec lui.

Aïe.

– Dieu sait que tu es séduisant, continua-t-elle en s’animant. Ça va me manquer de sortir avec toi et de regarder toutes les femmes baver de jalousie devant mon petit ami, alors que tu ne daignes même pas leur jeter un regard. C’est flatteur évidemment, mais un peu bizarre en même temps, non ? La plupart des hommes seraient ravis de se marrer un peu devant toute cette effervescence.

– Tu me quittes parce que je suis fidèle ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

– Non, dit-elle dans un souffle qui ressemblait en même temps à un soupir et à de l’exaspération. Honnêtement, dis-moi jusqu’où tu nous voyais continuer comme ça ?

– Hawaii ? Plaisanta-t-il, accompagné de ce sourire qui faisait chavirer les femmes.

– Sois sérieux.

Billy passa la main sur son visage.

– Je pensais que nous pourrions continuer à sortir ensemble encore un moment, puis nous engager un peu plus et, je ne sais pas, au final nous marier.

– Vraiment ? s’exclama Annie en écarquillant les yeux. Tu nous voyais mariés ?

Était-ce le cas ?

– Et pourquoi pas ? Tu es quelqu’un de super. Intelligente, jolie. Ma famille t’adore.

– Oui, ta famille m’aime et je les aime également, dit-elle en saisissant son bas. Mais toi, est-ce que tu m’aimes Billy ?

– Évidement. Je sais que je ne le dis pas assez, mais les mecs comme moi ne sont pas très sentimentaux, tu sais.

– Ça veut dire quoi les mecs comme toi ?

– Les mecs du style ouvrier de chantier, répliqua-t-il en haussant les épaules.

– Billy, tu ne ressembles à aucun ouvrier que je connaisse. C’est pour ça que tu m’as plu et que je t’ai dragué dans ce bar, cette nuit-là. Tu t’en souviens ?

Il acquiesça. Ça avait été une des rares fois où il était sorti avec ses collègues. En général, il ne se sentait pas très à l’aise avec les mecs, mais ce soir-là Annie était la plus jolie fille du bar, et elle l’avait choisi lui, parmi tous les autres. Elle l’avait invité à danser.

– Ouais, tu as bien augmenté ma cote de popularité ce soir-là.

– Je t’ai dragué parce que tu n’étais pas un de ‘ces mecs’ justement, dit-elle avec un petit sourire. Tu es différent des autres hommes que je connais, mais… tu es peut-être trop différent justement. Il nous manque ce petit quelque chose. Nous sortons et discutons, mais je n’ai jamais l’impression que tu en crèverais de ne plus me voir. Nous faisons l’amour et c’est super, mais je veux plus que du super. Je veux des feux d’artifice et des étoiles filantes. Ou, au moins, m’en rapprocher un peu.

Bon sang, comment ça trop différent ?

– Enfin, on est dans la vraie vie !

– Merde, Billy, j’ai vingt-quatre ans. Je suis trop jeune pour la vraie vie.

Peut-être que demander était une mauvaise idée. Savoir était incontestablement douloureux.

– Je ne pense pas être ton genre, soupira-t-elle.

– Mais qui l’est alors ? demanda-t-il d’une voix qui ressemblait à un gémissement.

Annie le regarda.

– Je ne sais pas. J’aurais aimé le savoir.

– Alors, c’est surtout à cause du… il déglutit et baissa la voix… du sexe ?

Merde, il lui fallut tout son courage pour demander cela.

– Non, c’est un tout. C’est comme cette histoire d’entrepreneur. Je sais que tu es capable de passer l’examen et de le réussir haut la main si tu te décidais à le faire. Mais tu ne veux pas. Je sais que tu penses ne pas être suffisamment intelligent, mais bon sang, Billy, dit-elle en s’appuyant contre le dossier de sa chaise avant de croiser les bras, je pense qu’il y a une dynamo là, quelque part. Un tigre qui cherche l’occasion de s’échapper. Mais je ne l’ai encore jamais vu. Tu ne veux pas vraiment de moi. Je suis juste une solution commode. Et honnêtement, je mérite mieux que ça. Et toi aussi.

Elle se leva et regarda par la fenêtre.

– Tu vas me manquer, Billy. Mais je ne veux pas me réveiller dans deux ans et voir que rien n’a évolué, ou, pire, que j’ai fini par me marier parce que… tout le monde m’aime, dit-elle en mimant des guillemets avec les doigts. Et finalement me retrouver avec un enfant et un mari qui cherche juste à faire plaisir à tout le monde, mais qui n’est pas vraiment heureux.

– Quel talent ! Tu aurais dû écrire Hunger Games.

– Ça m’est égal. Tu m’as demandé pourquoi et je te donne ma réponse. Dis à ta famille que je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir assister au mariage de Rhonda.

– Tu pourras toujours venir, dit-il en déglutissant. Rhonda sera vraiment déçue.

Elle secoua la tête et ses yeux étaient brillants.

– Ça serait trop douloureux. Je tiens vraiment à toi, Billy et ça a été dur de voir que je me faisais des illusions, conclut-elle en faisant un pas vers la porte. À plus.

Putain de merde. Il ne pouvait plus respirer. Elle était partie, aussi simplement que ça. Il ne voulait pas dire comme les autres. Annie n’était pas comme les autres.

Il s’adossa à la chaise et leva les yeux. Le séduisant rouquin discutait avec l’un des serveurs. Il riait. Billy, quant à lui, n’avait aucune envie de rire.

Ce matin, il avait imaginé le déroulement de sa vie. D’agréables dîners en famille. Quelques danses le soir du mariage. Avait-il essayé de se berner ?

Comment savoir si je ne me berce pas d’illusions ?

Qu’est-ce que tu ressens ? Il ferma les yeux comme s’il s’était assoupi. Des papillons dans son estomac et une pointe d’acier dans sa poitrine. Blessé. Il se sentait blessé. Et confus. Et… soulagé. Il se sentait soulagé.

Comment était-ce possible ? Bien sûr, il s’était senti soulagé quand il avait rompu avec Nancy, mais c’était une vraie garce, et Trisha n’était pas très sérieuse. Mais Annie c’était différent. Il l’aimait. N’est-ce pas ?

Il ouvrit les yeux et regarda sa montre… 17:30. Oh, seigneur, il devait se rendre chez ses parents. Il allait devoir affronter sa famille sans Annie et se taper ce fichu mariage sans cavalière à son bras. Sa mère allait péter un plomb. Il laissa tomber sa tête dans ses mains et glissa ses doigts dans ses boucles. Même ses cheveux lui causaient des ennuis. Trop longs. Sa mère l’aimait avec une apparence soignée. Mais elle lui pardonnait tout, si elle pensait qu’il y avait une chance qu’il se retrouve devant ce fichu autel. Maintenant, elle allait se mettre à pinailler sur ses vêtements et tout le reste. Finis Mme La Sympa. Il serait un triple loser à ses yeux. Un homme qui ne pouvait pas garder une femme. Un homme qui ne pouvait pas lui donner des petits-enfants.

Il se leva et se dirigea vers la porte. Vers le peloton d’exécution.

Soudain, il s’arrêta et sa tête pivota de son propre chef. À l’autre bout du café, le bel homme le fixait ouvertement. Ses lèvres s’incurvèrent, laissant apparaître ses dents.

Billy jeta un œil derrière lui. Qui ça ? Il regarda à nouveau en direction de l’homme et comprit que c’était bien lui qu’il regardait. Un frisson parcourut le bas de son dos pour finir en chair de poule. Étrange. Vraiment étrange. Il poussa la porte et dut se forcer à mettre un pied devant l’autre afin de quitter le café. Pourquoi avait-il l’impression que ce type se moquait de lui ?

Parce que tu le mérites, loser.

Merde ! Comme disait Scarlett O’hara, il y penserait demain. Il courut à toute vitesse vers son camion.

Vingt minutes plus tard, il se garait à cinq pâtés de maisons de ses parents à Santa Ana. Les voitures bordaient tout le long de la rue et il connaissait les propriétaires de chacune. Le clan était réuni pour Rhonda. Elle avait mis tout le monde à contribution. Après cette réunion de famille, Billy devrait se rendre à l’enterrement de vie du marié, au dîner de répétition, au mariage, à la réception et au petit déjeuner de mariage. Et en solo. Misère ! Il avait beau mesurer un mètre quatre-vingt-quinze et peser dans les 100 kilos, sa mère pouvait encore lui mener la vie dure.

Allez, finis-en avec !

Il se dirigea vers le trottoir et avança jusqu’à la longue allée de la maison de ses parents, qui était dans le style ranch des années 1950. Il avait toujours aimé cette ancienne maison et il ne ménageait pas ses efforts, afin de permettre à ses parents de continuer à s’y sentir bien. C’est lui qui s’occupait de l’entretien et des réparations. Il faisait même le jardinage, de sorte qu’ils n’avaient aucune dépense, à part un peu de tonte ou de taille de temps à autre. Son père ne pouvait plus fournir de gros efforts depuis sa crise cardiaque. C’est drôle. Les gens disaient sa crise cardiaque, comme si cette satanée chose lui appartenait.

Pas besoin de frapper à la porte. Il se contenta d’en tourner le bouton et traversa la petite entrée. Son père et son beau-frère, Austin, tenaient les deux côtés du mur de la pièce, son père appuyé sur sa canne. Billy se plaça entre eux. Les rires et les voix en provenance de la cuisine et de la salle à manger flottaient dans l’air. Comme d’habitude, presque personne ne s’attardait dans le salon.

– Hé, mon vieux, ça fait plaisir de te voir, dit Austin en tendant la main.

– Désolé pour le retard.

Son père lui tapota l’épaule. Ce n’était pas un homme loquace.

– Où est Annie ? demanda-t-il.

Pourquoi fallait-il qu’il mette les pieds dans le plat ? Merde. Son père adorait Annie. Que le spectacle commence.

– Nous avons rompu, répondit Billy en fixant ses vieilles baskets trouées. Voilà pourquoi je suis en retard.

Silence.

Il regarda son père. Celui-ci le fixait comme s’il venait de lui annoncer qu’il était tueur en série à ses heures perdues.

– Eh bien quoi ? Ce n’était pas mon idée. C’est elle qui a rompu.

Son père lui lança un regard noir. Sa charpente d’un mètre quatre-vingt ne pouvait se mesurer à celle de deux mètres de Billy, mais il avait toujours l’air aussi terriblement impressionnant.

– Qu’est-ce que tu as fait pour qu’elle décampe comme ça ?

– Rien ! Se défendit-il avant de soupirer. Tout, je suppose. Elle pense que je ne l’aime pas.

– Est-ce que tu l’as trompé ?

– Bien sûr que non ! Elle pense même que je devrais regarder un peu plus les autres filles.

Son père le regarda bizarrement. Austin lui boxa le bras.

– Hé, mon vieux, je suis désolé. C’est une chic fille.

– Oui. Merci.

– Ça lui passera, dit son père en secouant la tête. Les femmes se plantent toujours des idées romantiques dans la tête. Envoie-lui des fleurs et écris-lui un poème ou une foutaise de ce genre.

L’estomac de Billy se serra.

– Je ne pense pas. Elle avait l’air plutôt convaincante.

– Mince alors. Eh bien, je suppose que tu vas devoir l’annoncer à ta mère.

– Je sais, répondit le jeune homme en fronçant le nez. Tu m’as servi d’échauffement.

Austin se mit à rire.

– Bonne chance dans ce cas, compatit son père en hochant la tête.

Billy laissa tomber son coupe-vent sur le tas de sacs à main et de chandails empilés sur la chaise du hall. Prends une profonde inspiration, mec. Il pénétra dans la salle à manger. Rhonda et son fiancé, Mitch, se tenaient à l’autre extrémité de la table, rallongée pour l’occasion, et parlaient à l’oncle Fred ainsi qu’à une fille canon que Billy n’avait jamais vue auparavant. Blonde, mince et avec des seins gros comme des obus. De très jolis vêtements, du moins c’est ce qu’il semblait.

Des odeurs alléchantes émanaient de la cuisine. Oui, c’est bien là qu’il trouverait sa sœur Teresa, sa tante, et, que Dieu lui vient en aide, sa mère. Il ferait mieux de rester ici. Il contourna la table jusqu’à Rhonda.

– Salut les tourtereaux. Comment ça va ?

Elle leva les yeux et sourit. L’étrange jeune fille de la salle à manger était très mignonne, mais ne pouvait rivaliser avec sa sœur cadette. Rhonda était une beauté dotée d’un cerveau. Élancée, brune comme Billy, avec un corps à faire damner un saint, elle avait terminé sa maîtrise à l’UCI grâce à une bourse d’études et une bonne part de participation financière de la part de Billy. Elle enseignait maintenant l’histoire dans une université privée.

– Salut, petit frère.

Fred lui donna une tape dans le dos et Mitch lui tendit une main parfaitement manucurée.

– Comment vas-tu ?

Mitch était beau. Presque aussi beau que l’homme du café.

– Super, répondit Billy en lui serrant la main.

– Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Rhonda en fronçant les sourcils.

Zut. Pourrait-il échapper à tout cela s’il prenait la fuite ? Billy se détourna de Rhonda et s’adressa à la jeune fille blonde.

– Salut, je m’appelle Billy Ballew, le frère de Rhonda.

– Salut. Oui, elle m’a beaucoup parlé de toi. C’est clair que tu es grand. Et mignon, ajouta-t-elle en pouffant.

Que répondre à cela ?

– Merci. Je n’ai pas saisi ton nom.

– Oh, désolée. Je m’appelle Sissy. Sissy Auchincloss.

– Ma cousine, dit Mitch en hochant la tête.

Ce qui expliquait les vêtements visiblement coûteux. Elle avait sans doute autant d’argent que Mitch.

– Enchanté.

– Où est Annie ? demanda sa sœur qui le fixait pendant tout ce temps.

Il secoua la tête.

– Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

– Nous avons rompu.

Fred fit un ‘oh’. Les sourcils de Rhonda se froncèrent tellement qu’ils rejoignirent son petit nez.

– Quand ça ?

– À l’instant.

– Oh non, ne dis rien à maman.

– Oui, s’esclaffa Mitch. Je pense qu’elle voulait un double mariage.

Rhonda lui lança un regard noir et Mitch effaça le sourire sur son visage.

– Excuse-moi, c’était une chic fille.

– Je suis vraiment désolée, ajouta Sissy en posant une main chaude sur le bras de Billy. C’est terrible une rupture. Vraiment terrible.

Un petit frisson le parcourut. Il hocha la tête et retira son bras.

– Billy Ballew.

L’heure du jugement dernier. La voix de sa mère retentit depuis la cuisine.

Mitch s’esclaffa en voyant Billy tressaillir.

– Salut, maman, lança-t-il en réponse.

Une tête grisonnante apparut à la porte de la cuisine.

– Tu ne viens pas embrasser ta mère ?

– J’arrive.

– Bonne chance, chuchota Fred.

 

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